Le jour est de nature Yang et la nuit de nature Yin.
Cher.e.s collègues, avez vous remarqué comme la majeure partie des déséquilibres sont dus à un vide de Yin, ou un excès de Yang ?
Nous aimons que l’on nous donne une liste avec quoi faire, et nous n’aimons pas trop qu’on nous dise qu’il s’agit de retrouver quelque chose. Nous n’aimons pas entendre que nous possédons déjà cette chose et qu’il faut la réparer ou l’accepter telle qu’elle est.
Nous aimons en fait pas mal les problèmes qui nous permettent d’avoir du pain sur la planche, ou des excuses. Nous aimons surtout quand le problème et la solution se trouvent à l’extérieur de nous. Si on peut l’acheter, c’est encore mieux.
Nous aimons mettre en lumière des choses, et nous avons peur du noir.
C’est étrange et inquiétant comme le temps est de plus en plus précieux et rare. Avez vous remarqué comme le temps se raréfie proportionnellement au nombre de machines dont on dispose afin d’en gagner ?
Moins on dispose de machines qui font gagner du temps, et plus on dispose de temps. .
Nous avons été éduqués ainsi pour faire. Faire des projets, pour faire plein de choses passionnantes, et nous aimons montrer toutes les choses que nous savons faire.
Ce que nous savons être ne peut pas se montrer. Il se ressent. Il est su par celleux qui nous connaissent bien. Ce qui ne se remarque pas est plus difficile à célébrer.
Nous avons du apprendre à aimer un peu trop ce qui est Yang et à craindre un peu trop ce qui est Yin.
Ce qui nous permet de maintenir cette énergie Yang qui nous fait faire des choses et la déployer. est invisibilisée. Elle est silencieuse, discrète, douce, et puissante. Comme la tendresse, on l’infantilise.
Le Yin écoute.
Le Yang parle.
Le système sociétal dans lequel je vis tel que je le perçois est plein d’injonctions à agir. Il est plein de Yang, et ne prend pas soin de l’énergie Yin sur laquelle pourtant il repose.
Sans le Yin, sans l’énergie du soin, sans le repos, l’introspection, la profondeur, le lâcher-prise, la structure…pas de contenus, pas de production, pas de lumière, pas de créations.
La beauté et la puissance du Yang n’advient pas sans Yin.
Je découvre Mme Yin. Depuis quelques années, je m’étonne de sa douce puissance. Je m’étonne de sa sagesse. Personne ne lui rend les honneurs, et non seulement elle tient son rôle, mais en plus elle dit « continuez, ne vous préoccupez pas de moi, je me débrouille ça ira. » Quand on pleure elle vient nous rassurer, nous consoler, nous laver, nous réparer. Et elle sourit avec bienveillance, au pas de la porte, en nous regardant repartir fringants. Elle guérit tout. Elle accueille, et laisse partir.
Le Yin ; cette énergie qui me fait penser à celle que déploient les femmes, et la Terre pour nous maintenir, nous permettre que des choses soient faites, s’épuise lentement, on le sait.
On la considère en dehors de nous. « Les animaux », « la nature », « la terre », « les femmes », loin …
Où ?
Cette énergie que l’on exploite, que l’on malmène, que l’on fait taire, dont on se moque, que l’on objectise, que l’on prend, que l’on ne remercie pas. Elle est à côté de nous, et aussi juste au fond de nous-même.
Je dénonce volontiers le capitalisme, ou le patriarcat, bon. Et à l’intérieur de moi ? Que se passe -t-il ?
Pulsions extractivistes qui nous font utiliser nos ressources physiologiques pour poursuivre la vie intense. Stress hydrique, eau remplacée par alcool. Déforestation cellulaire. Flicage et surveillance à coup d’injonctions au développement personnel, aux régimes, au tonus. Incendie d’un cerveau qui à force de cramer son carburant te fait tourner en bourrique.
Notre corps, il n’est jamais assez bien, jamais assez performant, il faut le plier à toutes nos convictions, nos valeurs, et tous les caprices qui s’y rapportent.
Nos désirs, on va les chercher dans les étalages, dans les médias, toujours plus loin. On oublie qu’ils sont là, en dessous du tapis.
Notre instinct, nos radars intérieurs, on les remplace par des applications, des GPS, des moteurs de recherche, des petites machines qui nous disent vers qui se tourner, quelles routes et quelles décisions prendre.
Nos vacances sont parfois tout sauf une vacance ; tsounami de choses à faire.
On se tyrannise tranquillement. On attend l’épuisement, les symptômes douloureux.
« Nos désirs font désordres » – comme elles disent.
Si l’on peut apprendre à faire des choses, on peut aussi apprendre à les défaire.
Apprendre à se reposer, s’arrêter, se retirer, se mettre en introspection, s’adoucir, (qu’il ne faut pas confondre avec de nouvelles injonctions) est-ce que cela ne devient pas une nécessité de survie dans un monde où le Yang prend beaucoup de place ?
Est-ce qu’un jour il sera trop tard pour apprendre la reconnaître Mme Yin et prendre soin d’elle ? Elle pourrait en avoir marre, et démissionner. Partir en vacances.
Comme une personne qui quitte son couple, et laisse l’autre un peu hébété. Et un beau jour on a oublié comment prendre soin de soi, comment s’arrêter, et être. Juste être.
Et on oublie la moitié de tout ce qui vit, en nous, et tout autour.
En soi, un territoire immense. Territoire d’en-vies. Ressources inespérées. Un lieu où c’est simple, beau et vrai.
Notre travail aujourd’hui, c’est peut-être d’apprendre à être indisponible, à démissionner.
Ne riez pas, quand ça vous arrivera, vous verrez que c’est un travail à temps plein.
N’attendez pas trop longtemps pour écouter Mme Yin.
Elle nous maintient en vie.